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Chirine Chamsine (U. de Montréal) : Les noms propres dans le contexte conflictuel du Moyen-Orient

Les noms propres dans le contexte conflictuel du Moyen-Orient : sémantisme, symbolisme et procédés de traduction dans la presse occidentale

Dans les situations de crise et de conflit, les mots sont rarement neutres. Souvent chargés de valeurs idéologiques, de connotations affectives et d’implicites culturels, ils se dotent d’une visée de conviction et parfois même de manipulation et deviennent une véritable arme dont chaque acteur se sert pour dévaloriser la position discursive de l’adversaire et valoriser la sienne. Les noms propres n’en font pas exception. Loin d’être des signes amorphes, ils sont associés à un référent extralinguistique et disposent d’un grand potentiel qui leur permet de développer une signification particulière dans le contexte et d’assurer une fonction symbolique (Ballard, 2001).

À l’époque de l’internationalisation des conflits et de l’ouverture de l’espace médiatique, la traduction est devenue un outil incontournable pour rapporter l’information et la diffuser à l’échelle planétaire. Or, dans le processus de transfert linguistique, émotionnel et idéologique d’une langue-culture à une autre, s’opère un choix subjectif du traducteur dans la constitution de la réalité et la représentation de l’Autre.  Dans le présent développement, nous nous intéressons particulièrement aux différents procédés mis en œuvre par le traducteur-médiateur dans la traduction des noms propres récurrents dans les discours politiques arabes et qui constituent un élément-clé dans les « récits » et les « histoires » des conflits au Moyen-Orient, ainsi qu’au mécanisme de reterritorialisation de ces noms dans une autre langue-culture. À partir d’exemples tirés de la presse arabe et occidentale, nous analyserons les multiples stratégies que le traducteur utilise dans la restitution du « désignateur » et nous tenterons d’examiner comment ce dernier, en apposant des « étiquettes » aux acteurs en jeu, se retrouve impliqué dans le récit ou « l’histoire » du conflit et participe ainsi à la création, négociation et contestation des réalités sociales. Loin de constituer un degré zéro de représentation, sa traduction serait une forme de re-narration qui construit les évènements et les personnages qu’elle « re-raconte » dans une autre langue (Baker, 2014).

Chirine Chamsine est responsable des cours de langue arabe au Centre de langues de l'Université de Montréal et chargée de cours