Lucile Davier, de l'Université d'Ottawa et de l'Université de Genève
Après quinze années de recherches autour de la traduction journalistique, il est établi que la traduction est omniprésente dans la production d’information par les agences de presse diffusant de l’information en plusieurs langues (Bielsa et Bassnett 2009), même si elle est invisible ou cachée (Davier 2014). Cette présentation revient sur les travaux publiés dans ce champ de recherche en mettant l’accent sur les particularités de la traduction journalistique (problématisation des concepts d’auteur, de source et de traduction) et leurs conséquences méthodologiques. En s’appuyant sur ce socle théorique, elle cherche à répondre aux questions suivantes : quelle est la conception de la traduction répandue dans les agences de presse ? Quelle est la conséquence de cette conception en matière de production de l’information ? Ces questions sont traitées dans le contexte de deux agences de presse installées en Suisse : une agence mondiale, l’Agence France-Presse, et une agence nationale, l’Agence télégraphique suisse (ATS). Cette recherche se fonde d’une part sur une étude de terrain réalisée dans les bureaux de ces deux agences et d’autre part sur une étude de corpus qualitative. L’analyse du corpus, l’observation et les entretiens semi-directifs montrent que les journalistes impliqués dans des activités multilingues ont généralement une conception négative et étroite de la traduction. Le corpus comparable a été analysé en termes de « problème public » (Gusfield 1981, Cefaï 1996 et Widmer et Terzi 1999). D’après cette analyse, la conception de la traduction partagée par les agenciers de l’AFP et de l’ATS a pour conséquence l’uniformisation des groupes d’acteurs, la polarisation du débat et le repli sur des références familières au lecteur visé. La conclusion est centrée sur les problèmes méthodologiques et conceptuels qui subsistent en traduction journalistique après cette étude.